Yves Savoye-Peysson

La visioconférence, un outil majeur pour tous

Posté le dimanche 8 septembre 2024 à 17:27:22

Avec l'avènement des réseaux rapides, la fibre optique et la 4/5G, les possibilités d'utiliser internet de manière interactive ont été décuplées. On se souvient encore des contempteurs de ces progrès technologiques, qui prédisaient le pire, alors que c'est le meilleur qui est arrivé. Si le téléchargement est devenu bien plus rapide, une des possibilités remarquables est l'émergence de la visioconférence, permettant de dialoguer en direct en plusieurs personnes, d'échanger des fichiers, des textes, d'enregistrer des interventions, de tracer sur des tableaux virtuels des dessins très explicatifs, bref de dématérialiser la vie réelle, les échanges professionnels ou privés de manière très simple.

Avec la COVID et les affres du confinement qui en ont résulté, ces outils dont les usages étaient auparavant presque exclusivement professionnels se sont vulgarisés massivement, au point de rentrer dans les habitudes de chacun. Un ordinateur équipé d'une caméra, un casque audio optionnel, et hop, on peut dialoguer avec une personne à plus de 9000 kms et 10 heures de décalage horaire, comme si elle était à côté avec un ordinateur ou un téléphone portable ! Magique ! No limit ou presque ! Il ne faut pas se voiler la face, c'est une vraie révolution, au même titre que l'imprimerie, les courriers électroniques et plein d'autres choses. Les distances sont abolies, un rêve ultime de l'humanité. Dans ce grand bond technologique, quelques entreprises ont tiré leur épingle du jeu, comme celle de l'application Zoom, dont les performances bluffantes ont éclipsé un Skype vieillissant et trop connoté Microsoft. Pendant la crise épidémique, Zoom était d'usage gratuit pour tous, histoire de rendre service, mais aussi de se faire connaitre. Très bonne communication, même si certains correctifs ont du être appliqués en catastrophe, pour garantir la confidentialité des échanges.

La COVID s'étant peu à peu été transformée en grippe d'été, Zoom a réintroduit une limite de 40 minutes pour les usages gratuits, limitant ainsi les dialogues et forçant à se reconnecter périodiquement lorsque les échanges sont plus longs. Lorsque l'usage de la visioconférence reste rare, cette limitation économique est modestement gênante, mais elle le devient bien plus en cas d'utilisation fréquente, comme dans le cadre associatif. C'est dommage mais c'est ainsi. Et pour éviter cette limitation, il faut passer à la caisse et la facture est salée... 200 euros par an minimum, ce qui est onéreux pour un usage personnel ou bénévole. La tentation est alors grande de chercher une alternative libre et gratuite, open-source, faisant sauter la limitation en durée, et assurant une confidentialité solide, avec un cryptage approprié des échanges. On rentre alors dans une jungle complexe, où certains outils apparaissent, certains anciens et revampés comme Jitsi Meet, ou BBB (pour Big Blue Button) qu'il est en principe possible d'auto-héberger sur un serveur personnel avec un OS Linux. On est enthousiaste au début jusqu'à comprendre que la tache est ardue pour maintenir l'objet, que certaines options ne sont pas disponibles en mode auto-hébergé ou difficile à mettre en place. Rien de plus frustrant que d'avoir en plus un service qui plante en cours de visioconférence... Le service gratuit offert par FramaSoft en France basé sur Jitsi Meet ayant été arrêté, apparemment à cause d'un usage inapproprié de certains utilisateurs... peu de solutions gratuites et simples restent désormais à disposition pour un usage normal.

Pourtant, depuis l'avènement du HTML5, il existe une solution de visioconférence solide, basée sur le standard WEBRTC, libre de droits, RTC étant les initiales de Communications en Temps Réel (en anglais). Le protocole WEBRTC accepte les données vidéo, vocales et génériques à envoyer entre pairs, ce qui permet aux développeurs de créer des solutions vocales et vidéo performantes. Cette technologie est disponible sur tous les navigateurs récents, ainsi que sur les clients natifs de toutes les grandes plates-formes. Une bibliothèque offrant les mêmes fonctionnalités que les clients natifs, comme les applications Android et iOS, est même disponible. Le projet WebRTC est Open Source et est compatible avec Apple, Google, Microsoft et Mozilla, notamment. Donc WEBRTC est LA solution pour les visioconférences et les échanges modernes en temps réel entre utilisateurs. On trouve ainsi sur YouTube de nombreux tutoriaux pour développer sa propre application, mais en fait peu de choses sur des outils bien pensés disponibles au grand public. C'est là que le miracle arrive, avec l'environnement open source MiroTalk, développé par Miroslav Pejic. Avec un outil pour chaque approche, P2P (ou C2C) pour peer-to-peer, SFU pour Selective Forwarding Unit et BRO pour Broadcasting, il est possible de couvrir pratiquement tous les besoins en visioconférence. Et sans application dédiée, tout passant par une fenêtre du navigateur, via le protocole WEBRTC officiellement implémenté !! On ne peut que féliciter le développeur, qui a fait un vrai travail de qualité et dont la réactivité est remarquable. MiroTalk est utilisé dans plus de 115 pays, un beau succès bien mérité.

Pour un usage de visioconférence classique, MiroTalkSFU est le plus adapté pour réduire la consommation de bande passante et que la conférence puisse se faufiler sur un réseau peu performant. Quelques 200 kilo-octets par seconde suffisent pour un échange à trois ou quatre personnes, ce qui reste très modeste. Avec la fibre optique, il est possible d'avoir un échange avec 20 personnes, ce qui est déjà considérable et très rare. Pour un webinaire, c'est-à-dire un conférencier donnant un cours à une large audience, avec juste des questions-réponses par chat (comme sur YouTube), MiroTalkBRO est plus adapté. Donc techniquement, il faut deux serveurs qui tournent en parallèle, que l'on différencie sur des ports différents, avec des adresses différentes sur internet pour un accès extérieur en sécurisant le tout par HTTPS avec une configuration Reverse Proxy classique. Ainsi, se connecter aux services revient à taper https://sfu.nomdedomaine.fr ou https://bro.nomdedomaine.fr. On peut sécuriser l'accès avec mot de passe, selon le souhait. Il est possible de se faire une idée du service depuis les liens de MiroTalk, https://sfu.mirotalk.com et https://bro.mirotalk.com. On peut remplacer sfu, bro par p2p ou c2c pour voir d'autres services dédiés.

Ceci étant dit, maintenant que le choix technique est fait, sur des bases robustes, il reste le gros du travail à faire et mettre en oeuvre les services sur un ordinateur assez puissant, ce qui est courant désormais. Tout est très bien expliqué pour chaque service depuis le site https://docs.mirotalk.com/, et en quelques minutes, il est possible de lancer celui-ci et de le tester en local. Pour des raisons techniques, l'utilisation d'un container docker n'a pas été choisie, et c'est par un simple serveur Node.js qu'il a été mis en place, un environnement d'exécution JavaScript gratuit, open-source et multiplateforme qui permet de créer des serveurs très facilement. Ainsi, il est possible de mettre en place aisément la possibilité de redémarrage du service en cas par exemple de coupure de courant.

Les choses se compliquent lorsqu'il s'agit de diffuser les images et le son à l'extérieur, lorsque le serveur est derrière un pare-feu (firewall), mais le client également, situation traditionnelle pour les particuliers derrière une box. On doit, malgré les barrières de sécurité, transmettre les infos aux ordinateurs pour que l'échange en temps réel puisse être réalisé. En interne, comme en entreprise, sur un LAN (réseau local), tout fonctionne tout de suite, en externe, sur le WAN, c'est plus subtil. C'est là qu'intervient un service STUN/TURN qui aide à établir une connexion avec une autre personne tout en contournant les différents problèmes de NAT (Network Adress Translation). Le STUN est utilisé pour identifier l'adresse IP externe d'un client derrière un NAT et permettre à deux clients de communiquer ensemble. Le TURN est de son côté utilisé pour relayer la communication et permettre à un client derrière une topologie réseau complexe (ex: réseau mobile) de communiquer sans problème. Il agit donc comme intermédiaire dans une communication. Un serveur TURN, demande un serveur robuste et stable, car c'est par celui-ci que les communications vont être relayées. Tout cela semble bien complexe, mais dans les faits tout peut être géré par le service COTURN qui est une implémentation libre, gratuite et open-source des serveurs STUM et COTURN. Il existe des services payants STURN/TURN, mais c'est tout à fait possible de l'avoir sur le même serveur que les services MiroTalk, avec une contrainte cependant : l'adresse IP externe doit être fixe. Chez Orange, le service est facturé assez cher et réservé aux ''pros'', la bonne blague, chez Free, il est gratuit...! On sait vite vers qui se tourner !! On télécharge COTURN, et la notice explicative pour l'installer est très claire. On peut ensuite tester le fonctionnement du service STURN/TURN depuis le site https://webrtc.github.io/samples/src/content/peerconnection/trickle-ice/. Autre manière de valider le fonctionnement général COTURN est quand on voit l'image et que l'on entend le son entre l'ordinateur et le téléphone portable. Si c'est le cas, c'est que tout fonctionne très bien. Pour cela, il faut ouvrir quelques ports sur la box, 80 (http) et 443 (pour https) pour l'accès et les clés https Let'sEncrypt, 3478 et 5349 pour le service STUN/TURN, et la bande 40000-40100 pour TCP/UDP et laisser passer son et images de MiroTalk.

Tout cela peut sembler bien complexe pour le profane, pourtant en quelques clics, on dispose d'un Zoom personnel, gratuit, sécurisé, sans limitation en durée, avec la possibilité de faire de vrais webinaires. Plusieurs visioconférences peuvent être menées en parallèle. Les anciens outils comme Jitsi Meet, BBB sont relégués à un passé lointain, même si Skype à montré quelques qualités intéressantes lors d'une visioconférence avec la Chine. Heureuse surprise. Le son et l'image avec MiroTalk sont magnifiques, bien meilleurs qu'avec Zoom. Quant au tableau blanc, il offre des possibilités remarquables. MiroTalk permet ainsi d'avoir un outil moderne pour une des actions humaines les plus simples : échanger des sons, des images et des fichiers. L'internet ouvre ainsi sur l'humain, et c'est bien. ...

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